à l’orée du mois de mai
en pensant à Faustine
dénouer
les liens trop serrés
fendiller l’écorce t’en extirper
d’un coup de pied la balancer
au loin
laisser s’enfuir les mots qui brûlent ta langue
marcher sur les pelouses rases
piétiner les plates-bandes trop sages
franchir les limites pour découvrir un outre-monde
parfois déraper
t’écorcher les genoux
pleurer
te relever
sur la photo faire des grimaces
t’étaler remplir envahir l’espace
sortir du cadre
te pencher jusqu’au vertige
en regardant le précipice
ou [ce qui est un peu la même chose]
en scrutant le fond des yeux
de tes frères et de tes sœurs humain.es
épouser les nuées
puis
tourbillonner floconner
t’ennuyer rêvasser t’ennuager
pleuvoir en tambourinant à qui mieux mieux
t’embuer t’embrouiller t’embourber parfois
dans des printemps trempés
les yeux bien plus grands que le ventre manger un morceau de ciel
t’illuminer t’ensoleiller
et réchauffer les cœurs chagrins
au pied des lilas t’agenouiller
te shooter à la poudre de pollen
célébrer la forêt
t’enraciner profondément te nourrir de sève
te fortifier
devenir large branchage et feuille frémissante
te souvenir des défunts
embrasser à perdre haleine
le vivant
accueillir résister te cabrer
danser comme une louve
qui porte un secret
t’envoler
la gorge et les ailes déployées
vif-argent te faufiler te fondre dans l’onde
intrépide
les yeux clairs et l’âme légère
écoute fille-femme le monde ce matin
qui au creux de ton oreille
chantonne
« tu ne rêves pas en vain »* * vers extrait du poème JEUNESSE d’Andrée CHEDID