envolée [conte poétique -I-]
trois lourdes branches
malmenées dénudées
par la grêle mauvaise la gifle du vent
on les a ramenées du dehors
mises à sécher dressées
dans la lueur jaune du foyer
demain on y suspendra des tissus colorés
c’est la nuit
les trois branches fendent le sol carrelé
déchirent les fondations
entaillent l’humus gelé
pour s’enraciner lointainement dans la terre
où elles puisent la sève
alourdies
de jeunes feuilles et bourgeons
vigoureux
les ramures irriguées
s’étirent à travers la toiture
comme aspirées par la profondeur du ciel
c’est la nuit il pleut
gouttes à gouttes sur les hautes branches
le ruissellement léger
se mue en cascade
qui bouillonne sur l’écorce et claque le sol
une rivière creuse son lit
étale sa nappe
sur laquelle flotte le radeau des dormeurs
les songes
se chargent de bruine
de puissantes senteurs
végétales
animales
se peuplent de bêtes rares et étranges
nageantes
grimpantes
voletantes
à travers le frémissement des paupières closes
passent des ombres
de terre brune
et de brume
de mystérieux mantras
à l’oreille murmurés
rythment le souffle des rêveurs