huîtres      [I]

1-

à marée basse la tempête s’est éteinte

la plage délavée

déploie à l’infini son sable

piqué de coquilles

échouées

 

spirales de porcelaine luisante

ébréchées

 

couteaux émoussés palourdes patelles

 

huîtres

transparente et friable nacre pâle

bordée de mauve

 

béantes mâchoires souriantes

 

malgracieux agrégats bosselés

encrassés d’algues de vase

grêlés de minuscules berniques

 

fondues dans le rocher

vasques irisées offertes

à l’eau de mer à l’eau du ciel

 

2-

jumelles coquilles soudées par un muscle puissant

sœurs confondues en un récif hérissé

froidement installé en résistance

pour protéger l’étrange intimité

 

et pour que ça vive à l’intérieur

la mer incorporée

 

3               (en lisant Ponge)

au-dedans

visqueuse verdâtre noirâtre

minérale

liquide nappe dormante

vague-ment répugnante

pourtant

nacrée

de dentelle parée

et – rarement –

en secret secrétant

l’élégante et fine perle

 

dehors

coquille fermée

obstinée

cachot à assaillir à s’y blesser  – couteau et ongles ébréchés

 

monde opiniâtrement             -ah ce mot –

clos

qui finit par céder se livrer

s’exhiber

somptueux océan

 

on n’en finit pourtant de se heurter à l’insondable

 

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