qu’il neige
qu’il neige assez pour recouvrir
tout ce qui griffe qui écorche
buissons d’épines
mots échappés
qu’il neige assez pour arrêter les pas
gommer les itinéraires
qu’il neige assez pour que se figent
l’eau des rivières et l’eau des mers
que plus un bateau
ne tangue
que les vitres se chargent de buées de glace de flocons
et que s’estompent les contours
des villes des plaines et des monts
qu’il neige tant que les portes et les paupières demeurent closes
qu’il neige assez pour faire taire
les sourds battements de nos cœurs tumultueux
pour que s’apaisent les tremblements
de nos mains désemparées
qu’il neige assez pour effacer l’absence
les impatiences
troubles
et les désirs
confus
qu’il neige tant et tant
qu’enveloppés dans le silence
au creux du lit
l’un contre l’autre
nous passions les jours les nuits de neige
à échanger
nos souffles
et nos chuchotements