de toute façon
en pensant à Félix
de toute façon je vais m’enfuir
je vais
m’éloigner
des enfants de la ville à la langue déliée
oublier
les ciels brouillés par les fumées
les cubes de béton posés dans l’herbe rare
et les arbres chétifs qui cherchent la lumière
je vais
m’alléger
des vanités
des jours sans cesse recommencés
et du fardeau des objets
de toute façon je vais m’enfuir
je vais planter mes pas dans la montagne
je vais grimper à perdre haleine
marcher à m’épuiser jusqu’aux vertigineux sommets
et respirer les nuages
je vais me taire
pour écouter les mots qui se murmurent
en moi
et en silence dialoguer
avec mon âme
de toute façon je vais m’enfuir
je n’ai pas peur des loups ni de la faim
je mangerai des herbes des graines et du soleil
m’emplirai de nuits noires trouées d’étoiles
et j’userai la lune de mes regards
quand j’aurai soif je m’ébrouerai dans les fontaines
je boirai la lumière de rosée des prairies au matin
je ferai fondre sous ma dent
la glace qui craque sur les cimes
de toute façon je vais m’enfuir
je vais nager je vais voler
dans tous les ciels
d’azur de feu
d’eau et de glace
dans l’air limpide des altitudes
trouver mon souffle et découvrir
mon apesanteur
de toute façon je vais m’enfuir
sur mon carnet je ferai surgir
les ruisseaux qui murmurent les torrents qui fracassent les pierres
les fleurs précieuses cachées derrière les roches
et les bêtes agiles
et aussi je tracerai la carte
des mondes étranges et inconnus cachés sous mes paupières
de toute façon je vais m’enfuir
je vais m’enfuir
écouter le poème mis en musique par TRINQ d’après « La valse d’Amélie » de Yann Tiersen
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