j’écoute Keith Jarrett dans la voiture avec toi

puisqu’il le faut je supervise

ta conduite

 

compteur calé sur 100 à l’heure

un petit tour dans ta playlist

nous a menés au Köln concert

 

tu m’apprends – te moquerais-tu – que l’on dit [kis] Jarrett

en germaniste sourcilleux tu rectifies [koln] en [kœln]

 

les essuie-glace râpent un peu

 

tu me parles de cette main gauche qui ne fait rien que cadencer

quelques notes

qui décompose sans appuyer

mais très clairement

l’harmonie

 

pendant que la droite

lyrique aérienne et véloce

prend son élan

parfois s’emballe

et s’envole

 

tu n’oublies pas le clignotant

et je note

qu’à chaque dépassement

tes contrôles latéraux

n’ont rien d’improvisé

 

à l’unisson nous frémissons

à chaque cri de Keith

– ponctuation inattendue

extase

qui surgit

par surprise –

 

à voix basse j’égrène quelques notes

et il me semble bien que tes doigts frémissent

 

pourtant c’est sans trembler

distances de sécurité bien respectées

que tu doubles ce poids lourd

de taille assez

considérable

pluie

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