canicule (2019)

sale été

niveau d’alerte extrême

désœuvré aux abris

on surveille la ronde du soleil cuisant

qui alentour tout empoussière écrase sur les reliefs un aplat

de pollen

le vivant perd haleine et se fige

 

dans la mer d’huile tiède

il semble qu’on infuse

on se délite

en vain on cherche le frisson glacial qui crispe le ventre et bloque le souffle

avant le déliement

 

on attend

 

sale été

la nuit s’éternise dans l’air inerte

le sang bourdonne on bouillonne on brouillonne mâchoires scellées dos rouillé

le cœur pulse tant et si mal qu’on s’en alarme

 

au matin de vagues réminiscences d’un rêve font tanguer

ramènent une nausée venue de loin (on croyait en avoir terminé pourtant)

 

sale été infertile où l’on court après

la langue échappée

rien n’inspire rien ne transpire ni le corps ni l’esprit

pas l’ombre d’un signe à jeter d’un souffle à scander

ça balance suavement entre trop

ou     si peu

si bien

qu’on n’écrit rien ni même ne produit (ce ne serait déjà pas

si mal)

sale été

plombé

niveau d’alerte rouge surveillez surveillez vos proches

les bulletins météo ressassent de déplorables

records qui gonflent

s’étendent en temps en lieux

aujourd’hui                                  ici                                       jeudi                                  partout

c’est l’année la plus chaude de tous les temps de tous les temps*

la liste s’égrène et s’allonge

les forêts enflammées qui noircissent la banquise             et

les pattes brûlées des chiens dans le goudron fondu        et

les bus arrêtés                          et

les villes assoiffées                   et

les feux dans les bois              et

les récoltes sans sève              et

l’eau qui ne court plus            et

les étangs vidés

et

8000 poulets asphyxiés là tout près (sans compter veaux vaches cochons dont on ne parle pas)

etc.

on avait pourtant résolu de mépriser

la collapsologie

qu’on nous a dite Apocalypse laïque

 

on couve ses proches

d’une vaine vigilance

 

sentinelle inutile

on attend

 

*Raphaël

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