rougegorge

il y a eu le bruit sourd

que fait le crâne ou le bec d’un oiseau quand son vol percute la vitre

 

et sur la margelle de la fenêtre

on découvre un  palpitement de plumes et de duvet

 

l’oiselet échoué a l’œil hagard de celui qui vient de tomber des nues

et qui n’y comprend rien

 

poussé du nid au matin

par un parent sévère

et par l’instinct qui fait reproduire aux oiseaux saison après saison

le même saut dans le vide

le même battement d’ailes désordonné

qui s’harmonise à mesure que le cœur trouve sa pulsation

dans l’apesanteur  révélée

il s’était élancé enhardi soudain

le carreau semblait un taillis

il s’y est abîmé

 

la mère ou le père

le temps d’un sautillement

preste et prudent

dépose de bec à bec un insecte un vers ou peut-être une graine

puis l’oiselet demeure seul

– dans son étourdissement que perçoit-il du monde –

se niche au coin de la fenêtre

le souffle aussi mince que la fente de ses yeux

exposé au plein vent à la griffe des chats

 

on ne donne pas cher de ses quelques grammes

– os chair sang duvet plumes griffes –

pourtant

lorsqu’on tourne le dos un instant le voici évaporé

il est sauf sans nul doute : en contrebas dans un buisson

on remarque le va-et-vient du parent

toujours à son affaire nourricière

et on entend du pépiement là-dessous

 

si bien que nos graves réflexions humaines

sur l’insouciance animale la précarité le hasard la résilience

s’envolent

avec

la vive légèreté d’un l’oiseau

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